DE LA VIE ET DES POÈMES DU DANTE. Il n'est guère dans la Littérature de nom plus imposant que celui du Dante. Le génie d'invention, la beauté des détails, la grandeur et la bizarrerie des conceptions, lui ont mérité, je ne dis pas la première ou la seconde place entre Homère et Milton, le Tafse et Virgile; mais une place à part. Je vais parler un moment de sa personne et de ses ouvrages, et présenter ensuite son Poème de l'Enfer, la plus extraordinaire de ses productions. DANTE ALIGHIERI naquit à Florence en 1265, d'une famille ancienne et illustrée. Ayant perdu son père de bonne heure, il pafsa à l'école de Brunet Latin, un des plus savans hommes du temps; mais il s'arracha bientôt aux douceurs de l'étude, pour prendre part aux événemens de son siècle. L'Italie étoit alors toute en confusion; ses plus grandes villes s'étoient érigées en Républiques, tandis que les autres suivoient la fortune de quelques petits tyrans. Mais deux factions désoloient sur-tout ce beau pays : l'une des Gibelins, attachée aux Empereurs; et l'autre des Guelfes, qui soutenoit les préten Il seroit difficile de faire des recherches satisfaisantes sur l'origine de ces factions et du nom singulier qu'on leur donna: l'histoire n'offre que des incertitudes là-dessus. On trouve seulement que des le dixième siècle, l'Italie, remplie d'armées Allemandes, et prenant parti pour ou contre, s'accoutumoit à ces dénominations de Guelfes et de Gibelins. tions des Papes. Il y avoit plus de 60 ans que les Césars Allemands n'avoient mis le pied en Italie, quand le Dante entra dans les affaires; et cette absence avoit prodigieusement affoibli leur parti. Les Papes avoient toujours eu l'adresse de leur susciter des embarras dans l'Empire, et de leur opposer les Rois de France: de sorte que les Empereurs ne venant à Rome que pour punir un Pontife, ou imposer des tributs aux villes coupables, revoloient aussitôt en Allemagne, pour appaiser les troubles; et l'Italie leur échappoit. Leur malheur fut dans tous les temps de ne pas demeurer à Rome: elle seroit devenue la Capitale de leurs Etats, et les Papes auroient été soumis sous l'œil du maître. Au treizième siècle, la République de Florence étoit entiérement Guelfe; et s'il y avoit quelques Gibelins parmi ses habitans, ils se tenoient cachés : mais ils dominoient ailleurs, et on se battoit fréquemment. Le Dante, dont les aïeux avoient été Guelfes, se trouva à la bataille de Campaldino, que les Florentins livrèrent aux Gibelins d'Arrezzo, et qui fut une des plus sanglantes. On voit encore dans les histoires du temps, qu'il contribua par sa valeur à la victoire de Caprona, remportée aufsi par les Florentins sur les Républicains de Pise. Un peu de calme ayant succédé à tant d'orages, le Poète en profita pour se fivrer à son goût pour les lettres, et aux charmes d'un amour heureux. Béatrix qu'il aima, est immortelle comme Laure; et peut-être la destinée de ces deux femmes est-elle digne d'observation : mortes toutes deux à la fleur de leur âge, et |